EVEIL, SEXE FAIBLE
ET TRANSCENDANCE
Ici-bas, ce qui est supérieur est abaissé et piétiné, ce qui est inférieur est élevé et posé sur un piédestal. Le rapport hommes-femmes ne fait pas exception. Les prisons sont essentiellement remplies d'hommes et pourtant, là où les décisions majeures sont prises les femmes sont presque invisibles. Le monde va mal parce que toutes les valeurs y sont sens dessus dessous.
Les hommes des sociétés patriarcales trouvent conforme à l'ordre naturel des choses d'utiliser les femmes comme objets sexuels et comme servantes. En cohérence avec les principes d'une telle société, on devrait trouver des hommes engagés bénévolement pour protéger les femmes comme on les trouve dans toutes sortes d'actions humanitaires : la maltraitance des enfants, la faim dans le monde, le recul de la pollution, etc. Malheureusement, les femmes sont généralement vues comme des adversaires ou au mieux comme des partenaires jalousées.
Voici le tableau de notre humanité tel que je le vois : Les femmes tiennent le gouvernail du navire tandis que les hommes jouent à leurs jeux ou mènent des vies d'aventuriers, à la recherche de richesses, de renommée ou de pouvoir. Ils sont aveuglés par le sentiment de puissance que leur confère leur appendice. De leur côté, les femmes maintiennent le navire à flots tout en cultivant endurance, humilité, générosité et compassion.
C'est aux femmes qu'a été confiée la charge de veiller sur les fondations de la vie. Seulement, par jalousie consciente ou pas, les hommes minorent ce qu'il y a de plus grand dans la nature humaine. Le patriarcat a conduit aux avortements systématiques parce que les hommes mettent la tête dans le sable pour ne pas voir. Ils sont prompts à l'accouplement mais beaucoup moins quand il s'agit d'assumer les conséquences de leurs actes ; ceci tout en mettant, sans vergogne, les femmes hors d'état d'élever tous les enfants qui viennent au monde. Pourtant, il n'y a pratiquement pas d'avortements dans les sociétés matriarcales encore existantes et ce n'est pas le fruit du hasard.
Devant ce spectacle, il nous faut présumer que ce sont les femmes qui sont dotées d'une supériorité karmique. Douce consolation : il existerait aux Etats-Unis quelques communautés d'hommes qui, pour ne pas aggraver leur karma en exploitant les femmes, refusent de s'impliquer avec elles.
A des degrés variés, les religions sont plus ou moins odieuses quand elles mentionnent les femmes, mais à ma connaissance, aucune n'a clamé leur supériorité sur les hommes. La règle dans toutes les organisations, qu'elles soient à vocation commerciale, humanitaire ou spirituelle, est que plus on s'élève dans la hiérarchie, plus les femmes disparaissent de l'organigramme.
Les humains marchent sur la tête. Toutefois, quand les hommes mènent des existences dissolues, leur conduite morale se dégrade et leur espérance de vie diminue. En effet, la longévité dépend davantage de notre hygiène de vie intérieure que de tous les soins que nous pouvons donner à notre corps. Toutes les médailles ont leur revers, et c'est ainsi qu'ignorer les femmes, c'est construire un château sur le sable ; partant de ce constat, on peut s'attendre à une fin certaine de notre civilisation patriarcale.
Un aspirant à l'Eveil qui recommande que la moitié féminine du genre humain s'incline devant l'autre moitié ne peut être cru s'il affirme être libéré du samsara, c'est-à-dire du cycle de la naissance et de la mort. Dans les monastères bouddhistes, toujours au vingt et unième siècle, les femmes réalisées spirituellement doivent s'incliner devant des vauriens qui ont trouvé commode de choisir le métier de moine pour se faire offrir gracieusement le gîte et le couvert.
A moins que sa vie ait été enjolivée, je me demande comment Shakyamuni a été accueilli dans l'au-delà par la femme qui lui a donné la vie. Elle n'a pu que pleurer abondamment dans son cœur parce qu'au jour du passage de son fils dans le monde invisible, elle n'avait pas su conjurer le mauvais présage. Il me paraît bien possible qu'à l'annonce du destin glorieux faite par un devin, elle ait préféré quitter la Terre sans attendre. J'essaie d'imaginer le contenu de la prophétie : la destinée du nouveau venu sera certes grandiose mais comportera une part sombre qui mettra finalement toute son œuvre sous le boisseau.
Les femmes sont des anges gardiens spirituels qui veillent sur les tribulations des hommes. Elles savent avant de venir au monde que leur tâche sera de vivre dans l'ombre, elles l'ont acceptée et c'est pourquoi on voit des femmes brillantes s'effacer pour laisser leur médiocre compagnon paraître dans la lumière.
Les femmes portent les enfants à naître. Dans le lointain passé, la femme était à ce titre reconnue comme ayant un lien privilégié avec le sacré. Ne prend pas qui veut un corps de femme quand il vient au monde. Pourquoi la nature a-t-elle voulu que ce privilège soit donné aux femmes ? Les hommes auraient dû s'interroger, mais dans leur frustration ils ont cherché à faire contrepoids comme s'ils avaient été victimes d'une injustice, et ils ont privé les femmes du savoir. Insensiblement, au fil des siècles, ils n'ont plus vu dans le ventre des femmes qu'une machine à reproduire qu'on exploite comme on fait de l'élevage de poules pondeuses.
Par bonheur, les femmes vivent relativement à l'écart de tous ces méfaits que les hommes commettent en usant et abusant des privilèges attachés au patriarcat. Cependant, dans une société où la hiérarchie des valeurs est inversée à tous les niveaux, les désordres essaiment partout. Notamment, les femmes doivent souvent vivre dans la précarité matérielle et se voient contraintes de défendre bec et ongles les intérêts de leur compagnon sans réaliser qu'elles aggravent la mainmise du patriarcat sur elles. La confusion est totale. Bien qu'ayant choisi la mission de protéger l'âme de leurs compagnons, leurs entraves sont telles qu'elles ne peuvent plus assurer leur propre survie.
Dépossédées de la Connaissance, elles ignorent que le secret véritable de l'abondance est dans une discipline méticuleuse de leur propre esprit. Si nous avions de vrais éducateurs, ils leur diraient : Si vous saviez, vous portez en vous le Trésor qui vous rendra riches...
Les femmes protègent les hommes des faux-pas, telles des parents qui savent que les enfants adorent les bonbons mais ne s'en scandalisent pas, parce qu'ils savent que tous les enfants deviendront un jour des adultes.
Les hommes vivent largement dans la réalité apparente tandis que les femmes existent davantage dans une réalité transcendante. Alors pourquoi pleurerions-nous ? Nous avons reçu le meilleur capital spirituel, tous nos efforts seront récompensés et la reconquête de la Connaissance nous attend ici et maintenant.
Qu'est-ce que la Connaissance ? C'est posséder le savoir que le monde visible est un reflet du monde invisible et que le monde réel est le monde invisible.