LA SOUFFRANCE [DUKKHA]
Elle colle à la peau, entre dans la chair et de la chair pénètre dans les os, comme un insecte sur un arbre qui se fraie un chemin à travers l'écorce, le bois puis le cœur, jusqu'à ce que l'arbre finisse par mourir.
Nous avons grandi comme cela : la souffrance s'enterre profondément à l'intérieur. Nos parents nous ont appris la saisie et l'attachement, donnant une signification aux choses, en croyant fermement que nous existons en tant qu'identité personnelle, et que les choses nous appartiennent. C'est ce qu'on nous enseigne depuis notre naissance. On l'entend encore et encore, ça pénètre nos cœurs et devient notre sentiment habituel. On nous apprend à obtenir des choses, à les accumuler et à nous y accrocher, à les considérer comme importantes et comme nous appartenant. C'est cela que nos parents connaissent et c'est ce qu'ils nous apprennent. Ainsi ce mode de pensée pénètre nos esprits, pénètre nos os.
Quand nous nous intéressons à la méditation et entendons l'enseignement d'un guide spirituel, ce n'est pas toujours facile de comprendre : cela ne nous touche pas. On nous a appris à ne pas voir et à faire les choses à l'ancienne, mais quand nous entendons l'enseignement, il ne pénètre pas notre esprit : nous entendons seulement avec nos oreilles. Tout simplement les gens ne se connaissent pas eux-mêmes.
Ainsi nous nous asseyons et nous écoutons les enseignements mais ce n'est que du son qui entre dans nos oreilles : il n'atteint pas l'intérieur et ne nous affecte pas. C'est comme un boxeur qui continuerait à frapper son adversaire sans que jamais il ne tombe. Nous restons coincés dans notre vanité. Les sages ont dit qu'il est plus facile de déplacer une montagne d'un point à un autre que de faire bouger l'autosatisfaction des gens.
On peut utiliser des explosifs pour niveler une montagne et enlever la terre ensuite, mais saisir fermement notre orgueil, c'est une autre affaire ! Les sages peuvent nous enseigner jusqu'au jour de notre mort, mais ils ne peuvent pas l'éliminer. Notre orgueil reste inflexible. Nos idées fausses et nos mauvaises tendances restent tout aussi denses et inébranlables, et nous n'en sommes même pas conscients. C'est pour cela que les sages ont dit que faire disparaître l'orgueil et transformer une compréhension erronée en compréhension juste est la chose la plus difficile à faire.
Pour nous puthujjana [êtres terrestres], progresser pour devenir des êtres vertueux est très dur. Puthujjana désigne des personnes totalement obscurcies, sombres, coincées au fond de cette obscurité. Elles continuent ainsi à errer dans la confusion.
Si on trouve par hasard un tas de bouse de buffle, on ne pensera pas qu'il nous appartient et on ne voudra pas le ramasser. On le laissera juste où il est car nous savons ce que c'est. C'est la même chose, c'est ce qui est bon pour les impurs. La malfaisance est la nourriture des gens mauvais. Si vous leur apprenez à faire le bien, ils ne sont pas intéressés, ils préfèrent rester tels qu'ils sont parce qu'ils n'y voient pas le mal. Sans voir où est le mal, il n'y a aucune façon de rectifier les choses. Si vous le voyez, alors vous pensez : Oh ! tout mon tas de bouse n'a pas la valeur d'une petite pièce d'or. Et bien sûr vous voudrez de l'or à la place. Vous ne voudrez plus de la bouse ! Si vous ne le comprenez pas, vous resterez le propriétaire d'un tas de bouse. Même si on vous offre un diamant ou un rubis, vous ne serez pas intéressé.
Cela, c'est le "bon" des impurs. L'or, les bijoux et les diamants sont considérés comme quelque chose de bon dans le règne des humains. Le sale et le pourri sont bons pour les mouches et autres insectes. Si vous mettez du parfum dessus, elles fuiront toutes. Ce que les personnes à la vue faussée considèrent comme bon est du même genre. C'est le "bon" pour les gens à la vue fausse, pour les personnes qui sont dans l'illusion. Cela ne sent pas bon mais si on leur dit que ça pue, ils diront que c'est parfumé. Ils ne peuvent pas changer d'avis très facilement. Il n'est donc pas facile de les enseigner.
Si vous ramassez des fleurs fraîches, les mouches ne s'y intéresseront pas. Même si vous étiez prêt à les payer, elles ne viendraient pas ; mais elles iront là où se trouve un animal mort, ou n'importe quoi de pourri. Vous n'avez pas besoin de les appeler, elles iront là, tout simplement.
La vue fausse est ainsi, elle se délecte de ce genre de chose. Le puant et le pourri sentent bon pour elle : elle est enlisée et immergée dedans. Ce qui sent bon pour une abeille ne sent pas bon pour une mouche. La mouche n'y trouve rien de bon ou de précieux et n'en a pas envie.
C'est difficile en pratique, mais dans tout ce que nous entreprenons nous devons traverser des difficultés avant d'atteindre l'aisance. Dans la pratique du Dhamma, nous commençons avec la vérité de dukkha, l'insatisfaction perpétuelle de l'existence ; mais dès que nous en faisons l'expérience, nous perdons courage. Nous ne voulons pas regarder la vérité en face. Dukkha est la vérité réelle de l'existence, mais nous voulons en quelque sorte contourner le problème. C'est de la même façon que nous n'aimons pas regarder les personnes âgées et que nous préférons regarder celles qui sont jeunes.
Si nous ne voulons pas regarder dukkha, nous ne comprendrons jamais dukkha, et peu importe par combien de naissances nous passerons. Dukkha est une noble vérité. Si nous nous décidons à la regarder en face, alors seulement nous commencerons à chercher un chemin vers la sortie. Si nous essayons d'aller quelque part et que la route est bloquée, nous réfléchirons à la manière de nous frayer un chemin. En y travaillant jour après jour, nous pouvons y parvenir. C'est en nous confrontant aux problèmes que nous développons la sagesse : sans voir dukkha, nous n'examinons réellement ni ne résolvons nos problèmes ; nous nous contentons de passer à côté dans l'indifférence.
Ma façon de former les gens implique de la souffrance, parce que la souffrance est la voie du Bouddha vers l'illumination. Il voulait que nous voyions la souffrance, que nous en voyions l'origine, la cessation ainsi que la voie. Ceci est la solution pour tous les ariya, les éveillés. Si vous n'empruntez pas ce chemin, il n'y a pas d'issue. La seule façon est de connaître la souffrance, de connaître l'origine de la souffrance, de connaître la cessation de la souffrance et de connaître la voie de la pratique qui conduit à la cessation de la souffrance. C'est le chemin par lequel les ariya, en commençant par l'Entrée dans le courant, ont pu y échapper. Connaître la souffrance est une nécessité.
Si nous comprenons ce qu'est la souffrance, nous la verrons dans tout ce dont nous faisons l'expérience. Certaines personnes ont le sentiment qu'en fait elles ne souffrent pas tellement. Le but de la pratique du bouddhisme est de nous libérer de la souffrance. Que devrions-nous faire pour ne plus souffrir ? Quand dukkha apparaît, nous devrions rechercher les causes de son apparition. Ensuite, une fois que nous savons cela, nous pouvons pratiquer pour éliminer ses causes. La souffrance, son origine, sa cessation ; afin de mettre fin à la souffrance, nous devons comprendre la voie de la pratique. Puis, une fois sur le chemin qui mène à la réalisation, dukkha n'apparaîtra plus. Voilà la porte de sortie dans le bouddhisme.
Aller à l'encontre de nos habitudes crée une certaine souffrance. Généralement, nous avons peur de souffrir. Si quelque chose risque de nous faire souffrir, nous ne voulons pas la faire. Nous sommes attirés par ce qui paraît bon et beau, mais nous pensons que tout ce qui implique de la souffrance est mauvais. Or, ce n'est pas comme cela. Souffrir est saccadhamma, la vérité. S'il y a de la souffrance dans votre cœur, elle vous incitera à vous en dégager. Cela vous conduira à réfléchir. Vous ne dormirez pas aussi sereinement parce que vous serez déterminé à examiner la situation pour savoir ce qui se passe réellement, essayant de voir les causes et leurs résultats.
Les gens heureux ne développent pas de sagesse : ils sont endormis. Ils sont comme un chien qui mange à satiété : après cela, il ne veut rien faire. Il peut dormir toute la journée et il n'aboiera pas si un cambrioleur vient. Il est repu, trop fatigué ; mais si vous lui donnez seulement un peu de nourriture, il sera à l'affût et bien réveillé. Si quelqu'un essaie de se faufiler dans les parages, il bondira et se mettra à aboyer. Vous avez sans doute déjà vu ça.
Nous les humains sommes piégés et emprisonnés dans ce monde ,nous avons des problèmes au milieu d'une telle abondance, et nous sommes toujours pleins de doutes, de confusion et d'inquiétude. Ce n'est pas un jeu : c'est vraiment difficile et même pénible. Il y a donc quelque chose dont nous devons nous débarrasser. Suivant la voie de la culture spirituelle, nous devons abandonner nos corps, nous abandonner nous-mêmes. Nous devons nous résoudre à donner nos vies. Regardons l'exemple des grands renonçants, tel le Bouddha. C'était un noble de la caste guerrière, mais il a été capable de tout laisser derrière et de ne pas rebrousser chemin. Il était l'héritier de richesses et de pouvoir, mais il a été capable d'y renoncer. Si nous parlons du Dhamma subtil, la plupart des gens seront effrayés et n'oseront pas y entrer. Même en disant "Ne fais pas le mal", la plupart des gens ne peuvent pas y adhérer. C'est ainsi. J'ai donc cherché toutes sortes de moyens pour faire passer le message. Je le dis souvent : que nous soyons ravis ou contrariés, heureux ou souffrants, versant des larmes ou chantant des chansons est sans importance : vivant dans ce monde, nous sommes dans une cage. Nous ne pouvons pas nous extraire de cette situation d'être dans une cage. Même si vous êtes riche, vous vivez dans une cage. Si vous êtes pauvre, vous vivez dans une cage. Si vous chantez et dansez, vous chantez et dansez dans une cage. Si vous regardez un film, vous le regardez dans une cage.
Qu'est-ce que cette cage ? C'est la cage de la naissance, la cage de la vieillesse, la cage de la maladie, la cage de la mort. De toute façon nous sommes emprisonnés dans le monde. "Ceci est à moi... Cela m'appartient". Nous ne savons pas ce que nous sommes en réalité ou ce que nous faisons. En fait, tout ce que nous faisons, c'est d'accumuler notre lot de souffrance. Ce n'est pas quelque chose de très éloigné qui cause notre misère mais nous ne nous regardons pas nous-mêmes. Quel que soit le bonheur et le confort dont nous sommes favorisés, étant nés, nous ne pouvons pas éviter la vieillesse, nous devons tomber malades et nous devons mourir. Ceci est dukkha lui-même, ici et maintenant.
Nous pouvons toujours être affligés de douleurs ou de maladies. Cela peut arriver à n'importe quel moment. C'est comme si nous avions volé quelque chose. On peut nous arrêter parce que nous avons commis cet acte : telle est notre situation. Il y a danger, il y a lieu d'être préoccupé. Nous existons parmi des choses néfastes : la naissance, la vieillesse et la maladie règnent sur nos vies. Nous ne pouvons pas aller ailleurs et leur échapper. Elle peuvent venir nous attraper n'importe quand : tout est toujours une bonne opportunité pour elles. Alors nous devons leur concéder cela et accepter la situation. Nous devons plaider coupables. Si nous le faisons, la peine ne sera pas aussi lourde. Si nous ne le faisons pas, nous aurons beaucoup à en souffrir. Mais si nous plaidons coupables, la justice sera clémente et nous ne serons pas incarcérés trop longtemps.
Quand le corps naît, il n'appartient à personne. C'est comme notre salle de méditation. Après sa construction, les araignées viennent s'y loger. Puis les lézards viennent à leur tour, ainsi que toutes sortes d'insectes et de choses rampantes. Les serpents aussi peuvent venir y vivre. N'importe quoi peut venir y vivre. Ce n'est pas seulement notre lieu de vie. C'est un lieu de vie pour tout.
Nos corps sont semblables à ça : ils ne sont pas à nous. Nos personnes viennent y loger et dépendent d'eux. La maladie, la douleur et la vieillesse viennent y résider et nous y résidons simplement avec elles. Quand ces corps arrivent à la fin de la douleur et de la maladie, ils se rompent et finalement meurent, mais ce ne sera pas notre mort. Alors ne vous accrochez à rien de tout ça. Vous devez plutôt considérer le problème jusqu'à ce qu'il se résolve graduellement. Et, quand vous verrez correctement, votre aberrante compréhension des choses cessera.
Ce fardeau est lié à notre naissance ; mais la plupart du temps nous ne pouvons pas accepter ce fait. Nous croyons que ne pas être né serait le plus grand des maux. Nous pensons que mourir et ne pas être né serait ce qu'il y aurait de pire : c'est ainsi que nous voyons les choses. La plupart du temps, nous ne réfléchissons qu'à ce que nous désirons pour l'avenir ; et ensuite, nous souhaitons davantage : dans ma vie prochaine, peut-être pourrais-je naître parmi les dieux, ou du moins comme personne fortunée.
Autrement dit, nous demandons un fardeau encore plus lourd ! Mais nous pensons que cela nous procurera le bonheur. Pénétrer le Dhamma avec la pureté nécessaire s'avère donc très difficile : il nous faut nous appuyer sur une réflexion sérieuse.
Cette façon de penser est entièrement différente de ce que le Bouddha enseigne. Cette voie est ardue. Le Bouddha a dit de lâcher prise et de jeter le fardeau, mais nous pensons "Je ne peux pas lâcher". Ainsi nous continuons de porter notre fardeau, et il continue de s'alourdir. Par le simple fait que nous sommes nés, nous subissons cette pesanteur.
Allant un peu plus loin : savez-vous si les désirs ont une limite ? A quel point ils seront satisfaits ? Et cette limite existe-t-elle ? Si vous y réfléchissez, vous verrez que tanhä, l'envie aveugle, ne peut être satisfaite. Elle ne cesse de désirer davantage ; même si cela apporte une souffrance telle que nous arrivons à l'article de la mort, tanhä continuera de vouloir des choses, simplement parce qu'elle ne peut être satisfaite. Ce serait là un point très important, si nous, les humains, pouvions penser de manière équilibrée et modérée.
Enfin, parlons vêtements : de combien d'articles avons-nous besoin ? Et l'alimentation : combien de nourriture mangeons-nous ? Nous pouvons peut-être manger deux assiettes tout au plus, ce qui est suffisant pour nos besoins. Si on connaît la modération, alors on sera heureux et à l'aise, mais ce n'est pas très courant. Le Bouddha a enseigné "Les Instructions pour les Riches". Ce que cet enseignement met en relief, c'est que nous devons être contents avec ce que nous avons : cela ferait de nous une personne riche. Je pense que ce genre de connaissances mérite vraiment d'être étudié. Le savoir enseigné dans la voie du Bouddha est une chose qui vaut la peine qu'on l'apprenne, qui vaut la peine qu'on y réfléchisse.
Ensuite, le pur Dhamma de la pratique va encore au-delà. Il est beaucoup plus profond. Quelques-uns parmi vous ne sont peut-être pas capables de le comprendre. Considérez seulement les paroles du Bouddha selon lesquelles il n'y a plus de naissance pour lui, que naissance et devenir sont terminés : entendre cela vous met mal à l'aise. Pour le dire directement, le Bouddha a dit que nous ne devrions pas naître, parce que c'est déjà de la souffrance : seulement cela, la naissance, sur laquelle le Bouddha a mis l'accent, considérant et réalisant sa gravité. Une fois nés, toutes les souffrances se présentent ensuite. Cela se produit simultanément avec la naissance. Quand nous venons dans ce monde, nous avons des yeux, une bouche, un nez. Tout vient uniquement à cause de la naissance ; mais si on nous parle de mourir et de ne pas renaître, nous pensons que ce serait une perte totale. Nous ne voulons pas aller dans cette direction ; mais ceci est l'enseignement le plus profond du Bouddha.
Pourquoi souffrons-nous actuellement ? Parce que nous sommes nés ; on nous enseigne donc de mettre fin à la naissance. Ce n'est pas juste un bavardage sur le corps qui naît et le corps qui meurt. C'est facile à voir. Un enfant peut le comprendre. La respiration prend fin, le corps meurt et il reste juste étendu là. C'est ce qu'habituellement nous voulons dire quand nous parlons de la mort ; mais une personne morte qui respire ? Voilà quelque chose que nous ne connaissons pas. Une personne morte qui peut marcher, parler et sourire est une chose à laquelle nous n'avons pas pensé. Nous ne connaissons que le cadavre qui ne respire plus. C'est cela que nous appelons la mort.
C'est la même chose avec la naissance. Quand nous disons que quelqu'un est né, nous voulons dire qu'une femme est allée à l'hôpital et qu'elle a donné naissance à un enfant ; mais avez-vous remarqué les instants où l'esprit prend naissance, comme par exemple lorsque vous vous fâchez à cause de quelque chose à la maison ? Quelquefois c'est l'amour qui naît, parfois c'est l'aversion. Être content, être mécontent, ainsi que toutes sortes d'états, sont semblables à une naissance.
Nous souffrons juste à cause de ça. Quand les yeux voient quelque chose de déplaisant, dukkha naît. Quand les oreilles entendent quelque chose que vous aimez vraiment, dukkha naît aussi : il y a uniquement de la souffrance. Le Bouddha l'a résumé en disant qu'il n'y a qu'un amas de souffrance. La souffrance naît et la souffrance cesse : c'est tout ce qu'il y a. On saute dessus et on l'attrape encore et encore : bondissant sur ce qui survient, bondissant sur ce qui cesse, ne comprenant jamais réellement de quoi il s'agit.
Quand dukkha surgit, nous appelons cela de la souffrance. Quand il cesse, nous appelons cela du bonheur. Mais tout cela ce sont des vieilleries, un surgissement et une disparition. On nous enseigne d'examiner le corps et l'esprit surgissant et finissant : il n'existe rien d'autre en dehors de ça. Pour résumer, il n'y a aucun bonheur, il y a seulement de la souffrance. On reconnaît la souffrance comme de la souffrance lorsqu'elle apparaît. Alors, quand elle cesse, nous considérons que c'est le bonheur. Nous le voyons et le désignons comme tel, mais ce n'en est pas : c'est juste la souffrance qui cesse. La souffrance surgit et cesse, surgit et cesse, et nous bondissons dessus et nous nous en emparons. Le bonheur apparaît et nous sommes contents. Le malheur apparaît et nous sommes affolés. Or c'est en réalité absolument la même chose, de simples apparitions et disparitions. Quand il y a émergence, il y a quelque chose, et quand il y a cessation, il n'y a rien. C'est ici où nous doutons. Ainsi il est enseigné que la souffrance émerge et cesse, et qu'en dehors de cela il n'y a rien. En y pensant bien, il y a seulement de la souffrance, mais nous ne le voyons pas clairement.
Nous ne reconnaissons pas clairement qu'il y a uniquement de la souffrance parce que, quand elle s'arrête, nous y voyons du bonheur. Nous le saisissons et nous retrouvons coincés. Nous ne voyons pas vraiment cette vérité que tout n'est qu'apparition et disparition.
Le Bouddha a résumé les choses en disant qu'il y a seulement émergence et cessation, et rien d'autre. C'est difficile à entendre. Mais quelqu'un qui a vraiment le sens du Dhamma n'a pas besoin de saisir quoi que ce soit et demeure à l'aise : c'est cela la vérité. La vérité est que dans notre monde, il n'y a rien qui fasse quoi que ce soit à quiconque. Rien ne devrait nous inquiéter. Il n'y a rien qui vaille la peine de pleurer, et il n'y a pas non plus de quoi rire. Rien n'est intrinsèquement tragique ou agréable ; pourtant, ce type d'expérience est ce qui paraît normal aux gens.
Notre discours peut bien être ordinaire ; nous communiquons avec les autres selon la façon ordinaire de voir les choses, et c'est normal. Mais si nous pensons de façon ordinaire, en revanche, cela nous conduira à des larmes. En réalité, si nous connaissons réellement le Dhamma et le voyons continuellement, rien n'existe en soi : il y a seulement apparition et disparition. Il n'y a pas de vrai bonheur ni de vraie souffrance : le cœur n'est en paix que lorsqu'il n'y a ni l'un, ni l'autre. Lorsqu'il y a bonheur et souffrance, il y a le devenir et la naissance.
Nous créons généralement un type de kamma, qui est la tentative d'arrêter de souffrir et de produire du bonheur. C'est cela que nous voulons ; ce que nous voulons, ce n'est pas la paix réelle, mais c'est du bonheur et de la souffrance. Le but de l'enseignement du Bouddha est de pratiquer afin de créer un type de kamma qui mène au-delà du bonheur et de la souffrance, et qui apportera la paix ; pourtant nous ne pouvons pas penser de cette façon. On ne peut s'empêcher de penser que la possession du bonheur nous apportera la paix. Si nous avons le bonheur, nous croyons que c'est satisfaisant.
Donc nous les humains souhaitons des choses en abondance. Si on en a beaucoup, c'est parfait. C'est la plupart du temps ainsi que nous pensons : faire le bien est censé apporter de bons résultats, et si nous les obtenons, nous sommes heureux. Nous pensons que c'est tout ce que nous devons faire, et nous nous arrêtons là. Et pourtant, à quoi mène le bien ? Il ne dure pas. Nous continuons d'aller et venir, faisant l'expérience du bon et du mauvais, essayant jour et nuit de saisir ce que nous pensons être bon.
L'enseignement du Bouddha est que nous devrions d'abord abandonner le mal et ensuite pratiquer le bien. En second lieu, il a dit que nous devrions bien sûr abandonner le mal, mais abandonner le bien aussi, ne pas y être attaché, parce que c'est aussi un type de carburant. Tant qu'il y a une chose qui sert de carburant, elle finira par s'enflammer. Tant le bon que le mauvais sont des carburants.
Parler à ce niveau décourage les gens : ils ne peuvent pas suivre. Nous devons donc revenir au point de départ et enseigner la moralité : ne pas se nuire. Se montrer responsable dans son travail, et ne pas causer de tort à autrui ni l'exploiter. C'est ce qu'a enseigné le Bouddha, mais se limiter à ça n'est pas suffisant pour faire cesser le cycle des naissances.
Pourquoi nous trouvons-nous ici dans cette condition ? A cause de la naissance, comme le dit le Bouddha dans son premier discours, le "Discours sur la Rotation de la Roue du Dharma" : la naissance a pris fin. Ceci est ma dernière existence. Il n'y aura plus de naissances pour le Tathagata.
Peu de gens saisissent vraiment cela et atteignent une compréhension réelle des principes de la voie du Bouddha. Toutefois, si nous avons foi dans la voie du Bouddha, elle nous le rendra. Si les gens s'appuient avec authenticité sur les Trois Joyaux, alors la pratique est facile.